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Interview de Bertille DARRAGON,

coordinatrice du réseau Habicoop

Entre l'accession à la propriété à tout prix promue par la loi Boutin et la location à vie, il existe une troisième voie, pour les foyers aux revenus moyens.

Ceux qui en ont marre de verser des loyers à leur bailleurs sans jamais épargner, mais qui ne peuvent, ou ne veulent, prendre le risque de l'endettement.

Ceux qui préfèrent s'investir dans un projet collectif (généralement écolo et ultra participatif), plutôt que d'investir dans la pierre pour s'enrichir et choisir un système totalement en marge de l'économie immobilière spéculative classique : la coopérative d'habitants.

Le principe est simple, on est à la fois locataire de son logement et co-propriétaire de l'immeuble. Petit à petit, le locataire augmente ses parts dans la coopérative jusqu'à ne plus avoir de loyer à payer.

Explication avec Bertille Darragon, coordinatrice d'Habicoop, association lyonnaise qui milite pour le développement de ce système…

Qu’est-ce qu’une coopérative d’habitants ?

Bertille Darragon : C'est un cadre juridique qui permet d'être à la fois propriétaire et locataire. Le coopérateur est locataire de son logement et possède des parts sociales de la coopérative propriétaire de l'immeuble. Il n'est jamais propriétaire de son logement mais d'une partie d'un projet collectif.

Quel est l’intérêt de ce système ?

L’originalité, c’est d’être à la fois locataire et propriétaire. Les habitants participent dès le départ à la gestion et aux décisions. Dans le système coopératif, une personne égale une voix, ce qui est rarement le cas dans une copropriété. Et puis le rapport au patrimoine est différent. Ce n'est pas un placement financier et ce n'est surtout pas conçu comme tel. On ne peut pas spéculer puisque la valeur des parts sociales  n'est pas liée à la valeur du bien immobilier. Cette déconnexion fait que les personnes n’ont pas d’intérêt financier à revendre leurs parts. Si un des coopérateurs décide de se retirer, ses parts sont soit remboursées par la coopérative, soit revendues à aux autres coopérateurs.

Comment devient-on « coopérateur » ?

Il s'agit toujours au départ d'un projet collectif. Le groupe se constitue très en amont du projet qu'ils vont définir ensemble selon ce qu'ils souhaitent. Qu'ont-ils envie de partager ?  Quel type de programme souhaitent-ils ? Par exemple un projet axé sur l'écologie, sur l'intergénérationnel… Ces personnes mettent de l'argent sous forme de parts sociales pour financer le projet avant qu’il ne soit construit, argent qui constituera leur apport initial. Chacun apporte ce qu'il peut en fonction de ses moyens. Ensuite, lorsque le projet est construit et que le ménage entre dans les murs, il paie une redevance constituée d'une part de loyer et d'une part sociale. Dans le temps, la part loyer est amenée à baisser. A terme, il ne reste que les charges à payer.

Est-ce une façon de lutter contre l'inaccessibilité du logement ?

L'objectif est d'être accessible à tous. L'idée est d'avoir le plus de mixité possible. Ce n'est ni du logement social, ni réservé à des classes supérieures. Mais on souhaite cependant pouvoir toujours réserver une part de logements sociaux à l'intérieur de chaque projet (on peut par exemple faire des baux de longue durée à des bailleurs sociaux). On s'adresse à des personnes qui sont en location et qui ne peuvent pas acheter. La coopérative leur permet quand même d'épargner. Mais on s'adresse aussi à des personnes déjà propriétaires, ou qui pourraient le devenir, mais qui ne souhaitent pas spéculer sur l'immobilier, et qui veulent participer à un projet citoyen. C'est un choix de vie, celui d'un projet collectif, écologique, basé sur le principe d'espaces partagés, de démocratie.

Le principe de la coopérative ne va-t-il pas à total contre-courant de l’accès à tout prix à la propriété individuelle promus par le gouvernement ?

Oui, parce que nous sommes sur une logique collective et pas du tout individuelle. Et  non parce qu’il y a aussi dans cette démarche l’idée de sécuriser les parcours de logement afin que des gens, même modestes, puissent arriver en fin de vie à avoir leur logement payé.

Des amendements vont être déposés lors du vote de la loi Boutin sur le logement pour favoriser ce système. Que manque-t-il aujourd’hui aux coopératives d’habitants pour exister réellement ?

On rencontre des difficultés dues à ce double statut locataire-propriétaire. Aujourd’hui, il existe des mécanismes de financements pour les locataires (les aides de la CAF notamment) et pour les propriétaires (les aides fiscales). Or, pour l’instant le coopérateur ne peut bénéficier ni de l’un, ni de l’autre. Notre objectif est d’obtenir un cadre juridique pour qu’au moins les coopérateurs ne soient pas défavorisés par rapport autres locataires et propriétaires. Ils sont pénalisés alors même qu’ils souhaitent s’investir dans un projet écologique et citoyen. Aujourd’hui, monter une coopérative d’habitants, c’est tout à fait possible. Mais il faut être très militant.

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